Durant cette Assemblée Générale, nous avons bénéficié de la présence et des explications de Madame JOUTEL, Directrice de Recherche à L'INSERM, qui effectue des recherches sur CADASIL dans l'équipe du Professeur TOURNIER-LASSERVE.
Un des objectifs de ces travaux de recherche est de comprendre les effets des mutations du gène Notch3 sur la fonction du récepteur Notch3. Comprendre ces effets devrait donner des pistes pour élaborer des stratégies de traitements dans la maladie CADASIL.
Dans le corps humain, les gènes codent pour des protéines. Les récepteurs sont des protéines exprimées à la membrane des cellules, ils sont activés par des protéines appelées ligands. On peut très schématiquement comparer un récepteur à une serrure et son ligand, à la clé de cette serrure. La question à laquelle les chercheurs ont essayé de répondre est de déterminer si les récepteurs qui sont fabriqués avec un gène Notch3 muté fonctionnent trop, pas assez ou mal. En d'autres termes, est ce que la serrure « Notch3 », chez les malades atteints de CADASIL, s'ouvre trop facilement, moins bien ou bien alors s'agit-il d'un autre défaut ?
Dans un 1er temps, les expériences ont été conduites avec des cellules dans lesquelles les chercheurs ont fait exprimer des récepteurs Notch3 portant différentes mutations, représentatives de celles qui sont détectées dans les familles concernées par CADASIL. Les résultats indiquent que la majorité des mutations ne modifie pas le fonctionnement du récepteur. Toutefois, il existe quelques rares mutations qui diminuent l'activité du récepteur, parfois c'est parce que la clé ne reconnaît plus la serrure « Notch3 » lorsque que celle-ci est mutée. Ces résultats sembleraient vouloir dire que dans certaines familles, le récepteur « Notch3 » fonctionne moins bien, alors que dans d'autres, il fonctionnerait normalement. Ces résultats ont étonné les chercheurs, car même si les mutations sont différentes entre ces familles, elles partagent des caractéristiques importantes. Par ailleurs, ces expériences avec des cellules présentent de nombreuses limites qui pourraient fausser les résultats. En particulier, l'utilisation de ces cellules en culture ne permet pas de reproduire un aspect caractéristique de la maladie, c'est-à-dire, l'accumulation anormale du récepteur Notch3, accumulation qui pourrait perturber le fonctionnement du récepteur.
Les chercheurs ont donc opté pour une autre approche : l'étude de l'effet de la mutation sur les vaisseaux, en utilisant des souris génétiquement modifiées. Ils ont étudié une des mutations qui ne semblait pas modifier le fonctionnement du récepteur Notch3 dans les expériences précédentes. Ils ont utilisé d'une part des souris dans lesquelles la modification génétique visait à empêcher la production de la protéine Notch3 (souris Notch3KO) ; ces souris présentent des lésions des artères, mais différentes de celles qui sont observées dans la maladie CADASIL. Ils ont utilisé également des souris dans lesquelles la modification génétique visait à produire une protéine Notch3 avec une mutation CADASIL (souris Transgéniques Notch3 muté), ces souris développent des lésions artérielles identiques à celles qui sont observées dans la maladie CADASIL. Après plusieurs croisements de ces différentes souris génétiquement modifiées, les chercheurs ont pu montrer que l'activité de la protéine Notch3 mutée, dans les artères cérébrales, n'était pas diminuée, y compris lorsque le récepteur Notch3 s'accumulait. Ils ont également pu montrer que l'activité de la protéine Notch3 n'était pas non plus augmentée dans les artères cérébrales. Ces résultats montrent donc que la mutation ne diminue pas significativement l'activité normale du gène Notch3 et ne l'augmente pas non plus.
Ces résultats suggèrent fortement que les altérations des vaisseaux à l'origine des symptômes résultent de l'acquisition par le récepteur muté d'une nouvelle fonction.
Les travaux de recherche en cours ont pour objectifs :
- l'identification et la caractérisation de cette nouvelle fonction du récepteur muté,
- l'identification des protéines qui s'accumulent dans le matériel appelé GOM, qui pourrait constituer une des pistes dans l'identification de cette nouvelle fonction,
- l'élaboration d'un nouveau modèle animal de la maladie CADASIL, développant plus de symptômes de la maladie et surtout plus précocement.
Les travaux déjà réalisés et en cours impliquent de nombreuses équipes en France (Unité INSERM 740 « Génétique des maladies vasculaires » et laboratoire de génétique moléculaire de l'hôpital Lariboisière, dirigés par Elisabeth TOURNIER-LASSERVE, une équipe de l'institut Pasteur, un laboratoire INSERM-CNRS à Angers et un laboratoire à l'Ecole Supérieur de Physique-Chimie à Paris) et à l'étranger (Allemagne et Etats Unis, notamment pour la fabrication de certaines souris génétiquement modifiées).
Les financements proviennent de France (INSERM, Université Paris7, Agence Nationale de la Recherche- GIS Maladies Rares) et des Etats Unis (National Institute of Health).
Exposé du Professeur HUGUES CHABRIAT
La Recherche clinique, en parallèle, a pour objectifs :
- de mieux comprendre les symptômes,
- de mieux analyser les images IRM afin de mieux comprendre les relations entre les anomalies observées à l'IRM et les signes de la maladie,
- de se préparer aux tests médicamenteux en établissant les indicateurs qui permettront de mesurer l'effet d'un traitement en comparaison d'un placebo.
Le protocole de suivi de patients sur 3 ans a permis des avancées sur ces différents points.
172 personnes ont déjà participé à cette étude (sur un objectif de 200), ont eu les mêmes examens (IRM...) et évaluations (tests de mémoire et concentration, ...), avec la même fréquence de façon à mesurer l'évolution des signes et évaluer les meilleures mesures à effectuer pour tester un médicament.
30 d'entre elles ont participé aux 3 phases de l'étude (chacune est séparée de 18 mois) et 120 à 2 phases.
Les résultats de ces 120 participants à leur 2ème examen IRM seront disponibles à Lyon en juin.
La même étude est réalisée en Allemagne (environ 100 personnes suivies avec la même méthodologie).
Au niveau individuel, ces recherches ne permettent pas de décrire l'évolution des anomalies IRM au cours de la maladie. Mais globalement, les moyennes obtenues à partir des différentes mesures donnent des résultats significatifs.
L'analyse des images IRM a permis de montrer aujourd'hui que l'étendue des taches blanches n'a pas de valeur pronostique dans CADASIL. Par contre, les petits infarctus décelés sur ces images sont étroitement liés aux manifestations de la maladie. Par conséquent, quand un médicament sera testé, son efficacité sera probablement évaluée à partir de ce paramètre essentiel : le nombre de petits infarctus cérébraux.
L'objectif est maintenant de dégager en fin d'année 2007, à partir des résultats de ce Protocole, une estimation précise du nombre de sujets nécessaires pour l'évaluation de médicaments et les critères pour mesurer leur efficacité.
L'étude de suivi a permis de montrer au cours des consultations l'importance d'un symptôme qui était négligé auparavant : l'apathie. Sonia REYES, psychologue du service du Professeur BOUSSER à l'hôpital Lariboisière, affectée désormais à mi-temps au CERVCO, a réalisé une étude à ce sujet. L'évaluation de l'efficacité d'un traitement devrait ainsi inclure l'évaluation de l'apathie compte tenu de sa fréquence au cours de la maladie et de son impact sur la qualité de vie.
EXPOSE SUR L'APATHIE : Sonia REYES
L'apathie est une plainte fréquente des patients et de leur entourage.
Ce trouble peut être décrit comme :
- un manque de motivation, de prise d'initiative (difficulté « à démarrer »),
- une indifférence aux activités sociales ou personnelles,
- un émoussement affectif, une diminution de la capacité à ressentir et à exprimer ses émotions.
Les patients ont du mal à faire des projets. Il faut les motiver et les stimuler.
Ce symptôme est différent de la dépression. La dépression s'accompagne en effet en plus d'un changement physiopathologique (perte du sommeil, de l'appétit...) et d'un changement de vue sur le monde, l'avenir. La dépression est une douleur morale, une tristesse, avec un discours dévalorisant, un sens de l'échec, une perte du sens du plaisir, qui peut se manifester par de l'irritabilité.
L'apathie est un symptôme fréquent au cours de la dépression, mais une personne atteinte de CADASIL peut avoir une apathie sans présenter de dépression.
L'apathie a des conséquences importantes sur la qualité de vie du patient et son entourage. Le manque d'envie et la réduction de l'activité ont pour conséquence que la famille dépense beaucoup d'énergie, ne comprend pas, s'use, s'isole. Ces difficultés peuvent conduire aussi à une dépression pour les accompagnants.
Une étude a donc été réalisée afin d'évaluer la fréquence de l'apathie au cours de la maladie. Une enquête a été conduite auprès de 132 personnes à partir d'un questionnaire sur la qualité de vie et des entretiens téléphoniques ou lors de visites de suivi. Cette enquête a été évaluée avec une échelle déjà validée dans d'autres maladies neurologiques. Il en ressort que 41 % des personnes interrogées sont concernées par l'apathie, ce qui est donc beaucoup plus fréquent que ce qui est observé dans la population générale.
Ce symptôme se développe avec l'âge, mais il peut se manifester très tôt. Il serait plus fréquent chez les hommes et aurait un fort retentissement sur la qualité de vie. Dans l'avenir, il faut donc essayer de mieux prendre en charge ce symptôme et tenter d'évaluer les moyens (rééducation, médicaments) éventuels pour l'améliorer.
EXPOSE SUR LE CERVCO (centre de référence des maladies vasculaires rares du cerveau et de l'oeil) Professeur CHABRIAT
Mme le Professeur BOUSSER rappelle que la mise en place des centres maladies rares est le fruit de l'investissement des associations et familles, notamment dans le cadre du Téléthon qui a conduit le Gouvernement à lancer un Plan Maladies Rares et à allouer des moyens pour améliorer la prise en charge de ces maladies.
Le but de ce centre de référence Maladies Rares est de coordonner au niveau national la prise en charge des patients atteints de maladies vasculaires rares du cerveau et de l'œil afin que n'importe où en France des informations de même qualité soient disponibles et que chaque patient ait accès aux mêmes moyens sur le plan du diagnostic et du traitement.
L'ouverture officielle du CERVCO aura lieu le 5 juin 2007. Son siège est à l'hôpital Lariboisière de Paris, sous la responsabilité du Professeur CHABRIAT.
Sa vocation est d'aider les médecins, de réunir des ressources pour promouvoir la connaissance des maladies qui entrent dans son champ d'action et de favoriser la Recherche.
La centralisation pourra permettre de défendre de la même manière tous les patients qui le nécessitent pour une prise en charge à 100 % par la Sécurité Sociale ou pour obtenir une prise en charge des frais de transports si un déplacement à l'hôpital Lariboisière est nécessaire.
L'équipe du CERVCO est déjà en partie constituée : un praticien hospitalier, neurologue, le Dr HERVE, est affecté à plein temps à ce centre ; un technicien a été recruté à temps plein pour l'analyse moléculaire ; Mme REYES, psychologue, travaille pour CERVO à mi temps ; une assistante sociale à temps partiel est en cours de recrutement; des spécialistes en ophtalmologie, en neuroradiologie, en anatomo-pathologie, et en génétique participent à l'activité du centre.
Le Dr HERVE travaille sur la mise en place des outils nécessaires à cette nouvelle activité, avec notamment un site internet officiel du CERVCO, comportant une section sécurisée pour les professionnels de santé, des informations sur les procédures de diagnostic, sur les correspondants pour obtenir des informations, etc.
Ce site aura une rubrique concernant chaque maladie : descriptif, informations médicales, questions fréquentes, la recherche sur la maladie, association de patients. Un lien pourra être établi avec le site internet de CADASIL France.
CADASIL est l'une des principales pathologies rares prises en charge par le CERVO, qui concerne aussi des maladies telles que les formes familiales d'anévrismes intracrâniens, les cavernomes cérébraux, le syndrome de Moya-Moya, etc.
La complémentarité du CERVCO et de CADASIL France va donner lieu à une redéfinition du rôle de l'association. La mise en place d'un comité scientifique, non impliqué directement dans la vie associative, sera ainsi envisagée prochainement. ♦